NB. Voici un document concernant l’analyse de travaux d’élèves, que j’ai rédigé fin 2011 et que je mets en ligne quasiment en l’état. Il a certes vieilli. À cette époque, l’approche « par compétences » n’avait pas encore complètement pollué l’oral du concours du CAPES. Il appartient au lecteur de croiser ce document avec celui portant sur la notion de « compétence » présent sur une autre page du site.

On considère la question suivante, concernant un échantillon de « travaux d’élèves », et nous nous proposons d’ébaucher une méthodologie permettant de structurer peu ou prou une réponse :

« Analysez la production de l’élève Lambda. Sa démarche vous paraît-elle pertinente ? Quelles erreurs avez-vous repérées ? Quelles compétences vous semblent être mobilisées ?»

Tout d’abord, intéressons-nous à ce qu’il se passe lorsqu’un problème nous est donné à résoudre.

1. Trois étapes clefs dans la résolution d’un problème

À quelque niveau d’études que ce soit, de l’élève du primaire au candidat au CAPES de mathématiques, nous passons par trois étapes majeures :

Etape 1 : Compréhension

Nous devons d’abord nous approprier le problème, nous faire une idée de la tâche qu’il nous est donnée à accomplir et anticiper les démarches susceptibles de permettre une résolution. Cette étape est celle de la lecture de l’énoncé et d’un temps de réflexion précédant l’action.

Compréhension textuelle de la consigneQu’est ce que je cherche ?
Qu’est-ce que je dois faire ?
Prise d’informations par une lecture attentive du texte de l’énoncé et des documents qui l’accompagnent éventuellement (figure, résultats d’une simulation ou d’une expérimentation, …)Qu’est-ce que je sais de la situation ?
De quel matériel est-ce que je dispose pour réaliser la tâche à accomplir ?
Compréhension relationnelle du problème : mise en relation des divers éléments de la situation de départ avec les connaissances mathématiques dont on disposeAi-je déjà rencontré un problème semblable ?
Qu’est-ce que je pourrais essayer ?
Quelles modélisations du problème paraissent adaptées ?

Étape 2. Traitement mathématique

Nous passons ensuite à la phase de recherche proprement dite. Nous explorons le modèle qui nous paraît pertinent pour représenter la situation à étudier. C’est le moment de mobiliser nos connaissances et nos compétences. Nous avons sous la main une feuille de brouillon, nous y effectuons des croquis, des calculs, nous écrivons l’ébauche d’un raisonnement.

Choix d’une démarche : définir un cadre de travail et, dans ce cadre, déterminer comment parvenir au résultatDois-je obtenir des résultats intermédiaires et si oui, lesquels ?
Quelles connaissances dois-je mobiliser pour les atteindre ?
Comment les articuler selon un plan cohérent ?
Exécution des procédures et des techniques subordonnées à la démarche choisieQuels savoirs et savoir-faire dois-je appliquer pour parvenir aux objectifs que je me suis assigné ?
Évaluation des performances de la stratégie choisie et validation éventuelleSuis-je certain de ma réponse ?
Ma démarche est-elle pertinente ?
Dois-je essayer autre chose ?

Étape 3. Communication

Lorsque nous avons mené à bien, ou du moins le plus loin possible, la démarche qui nous est apparue la plus efficace, il nous reste à « mettre au propre » nos résultats, à les communiquer. Nous avons sous la main le support sur lequel figurera la trace écrite du travail fini : copie que nous allons remettre, feuille du cahier d’exercices, fiche à partager avec d’autres élèves, …

Choix du niveau d’explicationA qui s’adresse mon travail (correcteur, groupe-classe, …)
Sélection et articulation des moments clefs de la résolutionQuelles sont les avancées majeures de ma démarche ?
Dans quel ordre se succèdent-elles ?
Quels sont les calculs importants ?
Prise en compte des justifications correspondant d’une part aux étapes de la résolution et d’autre part au développement des techniques utiliséesQuels arguments dois-je avancer pour étayer mon raisonnement ?
Quels théorèmes ai-je utilisés ?
Quelles traces de mes calculs vais-je garder ?
RédactionQue dois-je écrire pour convaincre le destinataire de l’exactitude de mon raisonnement ?

Si la compréhension précède nécessairement les deux autres étapes, traitement mathématique et communication interfèrent. Il n’est pas rare de rédiger avec soin une recherche en cours sur une feuille dont on espère qu’elle deviendra le produit fini ou bien de mener de front la rédaction sur une feuille de copie et les calculs sur une feuille à part. Inversement, la rédaction d’un pas important d’une résolution peut nous aider à fixer nos idées pour franchir le pas suivant.

2. Examen d’un document « Travail d’élève »

Imaginons un d’exercice traité par un élève. Du point de vue du lecteur (enseignant, correcteur, candidat au CAPES …) l’idéal est que le document qu’il a sous les yeux lui permette d’identifier comment l’auteur du document (l’élève qui a produit le travail) a fait pour parvenir des données D du problème à sa solution S (correcte ou non).

Dans une conception transmissive de l’apprentissage, il serait question de comparer la production de l’élève à une production modèle et de relever les écarts. Ces écarts sont imputables à l’élève (« il n’a pas compris … » ou « il n’a pas su faire … ») et pourront éventuellement être corrigés par de nouvelles explications ou de nouveaux exercices d’entraînement ciblés

Dans une conception des « petites marches », il serait question d’essayer, s’il y a lieu, de préciser où se situe exactement la difficulté sur laquelle l’élève a buté. Puis de décomposer l’étape mise en cause en étapes plus graduées.

Dans une conception inductive, celle qui nous intéresse, il est question d’essayer de se « mettre à la place » de l’élève. Le travail d’analyse consiste en :

  • Identifier et décrire la démarche présumée de l’élève.
  • Identifier et décrire les techniques, subordonnées à cette démarche, que l’élève a mises en œuvre : techniques de calcul dans le domaine numérique, de tracé dans le domaine géométrique.
  • Relever, s’il y a lieu, les erreurs présentes dans le document à analyser et d’émettre au moins une hypothèse sur leur origine possible.
  • Faire une synthèse du travail de l’élève (Valider les réussites, identifier les échecs éventuels, relever les compétences avérées).

3. Vers une classification des erreurs des élèves

3.1. Erreurs dans la compréhension du problème

1.1. Dues aux choix des situations d’enseignement (d’origine didactique)Il se peut que le problème soit mal posé par l’enseignant, volontairement ou non, ou qu’il amène à une interprétation logique mais incorrecte. C’est l’énoncé qui est en cause.
1.2. Dues à un sens « inattendu » que l’élève donne au texte de l’énoncéAjout ou retrait délibéré d’hypothèses de façon que la situation proposée se rapproche d’un cas que l’élève sait traiter.
1.3. Incompréhension de la nature et de la structure du problème.Sens induit par des termes de l’énoncé faussement indicateurs.
Incompétence à comprendre l’énoncé (niveau de lecture insuffisant, carence du vocabulaire mathématique, …)
Incompétence à trier et organiser les données proposées

3.2. Erreurs dans le traitement mathématique

3.2p. Erreurs de procédure
2p.1. Conception incorrecte ou insuffisante de la notion mathématique en jeuConfusion avec des notions anciennes ou distinctes
Au contraire, conception anticipée incorrecte d’une notion en cours de construction
Effet de « contrat didactique » : la notion en jeu dans le problème diffère de la notion habituelle.
2p.2. Incompétence à saisir plusieurs aspects d’une même notion ou à coordonner et à séquencer plusieurs notions dans un même problèmeChaque notion prise à part peut être connue de l’élève mais ce dernier ne sait pas les articuler. Il peut en être ainsi par exemple lorsque le problème nécessite un changement de cadre (la compréhension du problème se place dans un cadre, mais sa résolution dans un autre).
La procédure utilisée est longue et détournée, l’élève finit par perdre de vue l’objectif initial.
2p.3. Utilisation d’un « théorème en acte »L’élève fait fonctionner un théorème reconnu en dehors de son champ d’application, ou en l’absence d’une de ses hypothèses.
L’élève invente de toutes pièces un théorème ou une règle qui, selon lui, s’applique à la situation qu’il doit traiter.
3.2c. Erreurs dans les techniques de calcul mises en œuvre
2c.1. Erreur de calculErreur dans une technique opératoire, un calcul algébrique, différentiel, intégral, …
Dans un calcul instrumenté, erreur d’affectation, de priorité, …
Dans un calcul programmé, erreur d’instruction.
2c.2. Effet de surchargeL’élève n’arrive pas à gérer simultanément ou de façon bien ordonnée les différentes techniques nécessaires à l’obtention du résultat (utilisation d’une technique coûteuse, manque de disponibilité d’une procédure de calcul automatisée,…).
2c.3. Technique inappropriéeLa technique utilisée n’est pas adaptée à l’objectif recherché.

3.4. Erreurs de communication.

3.1. Non appropriation des règles relatives au contexte du problèmeLe niveau d’explication ne correspond pas à ce que l’enseignant est en droit d’attendre
3.2. Défaut de justificationL’élève a utilisé implicitement un théorème correct mais sans en vérifier explicitement les hypothèses L’élève a omis de décrire une étape essentielle de son raisonnement
3.3. Justifications redondantesL’élève n’a pas fait le tri entre les hypothèses actives dans son raisonnement et d’autres arguments peut être corrects mais parasites et inutiles
3.4. Formulation incorrecteLimitation due à une maîtrise insuffisante de la syntaxe

4. Remédiations

Lorsqu’une erreur est repérée, il reste à traiter cette erreur, à y « remédier ».

1. Faire prendre conscience d’une erreur

Il s’agit de proposer un court prolongement (petit travail complémentaire, changement de données, …) destiné à démentir le point en défaut dans la production de l’élève et/ou mettant en évidence une contradiction. L’objectif est d’amener à l’élève à invalider lui-même sa production, et à se rendre compte que ses conceptions l’amènent à un résultat faux.
Ce travail est important notamment à l’issue d’activités visant à mettre en place de nouvelles connaissances.

Un travail analogue peut être opportun lorsqu’il y a ambigüité sur la procédure utilisée (par exemple concurrence d’une procédure correcte et d’une procédure incorrecte mais qui fonctionne parce que les données le permettent). Il est alors destiné à valider ou invalider la procédure utilisée.

2. Remédiation

Il s’agit de proposer un prolongement destiné à aider l’élève à se construire une conception nouvelle plus performante que sa conception antérieure.
Ce travail est en principe postérieur à la mise en évidence d’une contradiction. Ce travail de remédiation, de plus longue haleine, est important à l’issue d’activités portant sur des connaissances déjà enseignées, lorsqu’il apparaît que l’apprentissage n’a pas donné les résultats escomptés.

Ainsi par exemple :

  • Dans le cas d’une représentation incorrecte d’un énoncé (compréhension), une prise conscience de l’erreur peut consister à peut faire expliciter un texte d’énoncé qui correspondrait à ce que l’élève a cru bon de traiter.
    Faire repérer les mots-clefs, résumer les idées principales et trier les informations lues dans les textes constituera une activité de remédiation.
  • Dans le cas d’emploi d’un théorème en l’absence d’une de ses hypothèses, une prise de conscience de l’erreur sera créée par un résultat aberrant dans une situation où ladite hypothèse n’est pas vérifiée.
    Une remédiation consistera à travailler sur la nécessité de prise en compte de l’ensemble des hypothèses relatives à ce théorème.
  • Dans le cas d’une communication insuffisante ou redondante, une prise de conscience de l’erreur peut consister à faire commenter la production par d’autres élèves (dire « ce qui va bien », « ce qui ne sert à rien » et « ce qu’on ne comprend pas ») pour faire émerger la nécessité d’explications plus consistantes ou au contraire plus sobres.
    Une remédiation consistera à faire faire une synthèse de la rédaction : consigner ce qu’il est nécessaire d’écrire et s’en tenir à ce qui est suffisant.